EXTRAIT DE "ELLE ET IL"
Prologue
À mes vingt-deux ans, alors que je commence à vivre avec le premier amour de mon existence, c’est tout naturellement que l’envie de mariage et d’avoir des enfants se fait ressentir. En somme, je veux reproduire le schéma dicté par notre société. Durant mes six années de vie commune avec Céline, ma sœur Éliane, mon aînée de trois ans, va quant à elle avoir son premier bambin. Tandis que ma famille s’extasie au-dessus du berceau et que l’on me félicite, comme si j’en étais le géniteur, d’être tonton, mon couple, lui, bat de l’aile. Je n’ai pas vraiment la tête à me réjouir devant le bonheur que ce nouveau-né procure à sa maman et à la mienne, fraîchement devenue grand-mère. Pourtant, j’ai besoin d’attention et d’amour maternel pour surmonter ma rupture, mais ce bébé éblouit tout le monde et je me sens totalement délaissé.
Je vous l’accorde, oui, c’est vrai, même si ce n’est pas beau, je suis jaloux. C’est ainsi que le désir d’avoir un nourrisson va peu à peu s’estomper. La vie étant ce qu’elle est, je combats mon sentiment de solitude et quitte la France pour les Comores pendant deux ans. À chacun de mes retours, Anastasia, ma nièce, grignote petit à petit la place que je m’étais faite au sein de ce clan familial. Même à table, elle est assise sur ma chaise, celle qui était la mienne depuis mon enfance. Lorsqu’elle dort chez mes parents, c’est bien évidemment dans ma chambre et sur mon lit.
Heureusement, Anastasia m’aime énormément malgré cette stupide rivalité que j’ai créée, tel un gamin pourri gâté. Je finis par le comprendre, accepter Anastasia et l’adorer comme ma propre fille.
L’idée d’avoir un poupon renaît.
Ma sœur a son deuxième enfant.
Si Anastasia était calme, Déliana est tout le contraire. Elle hurle dès qu’elle est réveillée et me casse littéralement les oreilles. C’est insupportable. Comment un cri aussi fort et strident peut-il s’échapper de cette petite chose ? Ma sœur, en visite chez moi, est fatiguée, ne dort plus. Moi, j’observe cette situation en étant cette fois-ci certain que je ne suis pas fait pour avoir des gamins.
Puis il y a les amis qui entrent dans leur vie parentale. À travers les appels vidéo, tandis que nous sommes en pleine discussion, les voilà transformés en véritables caméramans tout droit sortis d’Hollywood. La caméra bouge pour se diriger sur le petit qui somnole ou qui joue. On comprend alors que la conversation n’était finalement qu’un monologue. Tout tourne autour du nouveau-né. Pourtant, ces mêmes amis avaient juré qu’ils ne ressembleraient pas aux autres parents. Mais visiblement, le pouvoir du bébé est plus fort que tout.
Cependant, il ne faut pas que j’oublie que nous sommes tous passés par l’état de nourrisson. Oui, oui ! Moi aussi ! Je suis certain d’avoir été le centre d’attention de mes parents. Il paraît d’ailleurs que, tout comme ma nièce Déliana, j’avais une voix puissante à en faire pâlir Lara Fabian : “Je T’AIIMMME !” Ça, c’est ce que pense mon pauvre père.
C’est de ça qu’il s’agit ici : d’eux, ma maman et mon papa !
J’oublie trop souvent que si bébé il y a, aussi insupportable que je le trouve, il est né d’une histoire d’amour. Et c’est justement leur histoire d’amour que je vais vous conter.
ELLE
Pour commencer cette histoire, il est important que je vous plonge dans l’atmosphère qui régnait dans un État du bloc de l’Est en 1948. Dans mon récit, nous sommes loin de l’image erronée que l’on peut avoir des pays de l’Est. Attention, je n’essaie pas de vous convaincre que tout était beau et parfait. D’ailleurs, quelle nation peut se vanter d’une telle prestance ? Aucune !
La Bulgarie ne déroge pas à la règle. Sa situation politique de l’époque pourrait nous faire croire que tout y était morose et que le peuple était triste, mais, comme nous, ils ont connu des joies et des peines. De plus, la nature a gâté cette contrée en lui offrant la mer Noire et ses montagnes, les Balkans. Les Bulgares ont finalement tout pour être heureux. Trois importantes villes subliment ce pays : Sofia, sa capitale, Varna et son rivage, et la deuxième plus grande agglomération, Plovdiv. C’est justement dans cette dernière que nous allons nous diriger. Venez avec moi, je vous emmène dans la cité aux sept collines, proche de la gare, dans l’unique maternité de cette période.
Nous sommes le 10 décembre. Les premiers flocons de neige ont habillé la ville d’un manteau blanc. Comme dans un conte de Noël, Nikolaï est aux côtés de sa femme Ekaterina, attendant le plus beau cadeau que l’amour peut apporter. Elle est sur le point de mettre au monde son deuxième enfant. Ils se trouvent tous les deux dans la salle d’accouchement, et, après un travail de plusieurs heures, naît une petite fille qu’ils prénomment aussitôt Iskra.
Accompagnés des pleurs de ce nouveau-né, résonnent les tintements des cloches de Noël comme pour célébrer cet instant de joie. Iskra vient à peine de voir le jour qu’une bonne fée, d’un coup de baguette magique, lui promet un avenir pas ordinaire. Elle aura son lot de souffrances, mais également une destinée hors du commun. Iskra ne le sait pas encore – elle n’est qu’un bébé – mais l’un de ses plus beaux rôles sera d’être ma maman.
Vous êtes probablement en train de vous dire que tout ceci est trop beau pour être vrai. Que je viens de vous projeter dans le nouveau conte de Walt Disney. Pour être sincère avec vous, c’est vrai, j’exagère la beauté de l’événement. Mais si j’étais magicien, je transformerais tout ce qui a pu la blesser en quelque chose de magnifique, car rien n’est trop beau pour ma maman.
Vous voulez vraiment connaître la vraie histoire ? Eh bien, la voici…